Maîtriser la taxonomie de Bloom : la clé d'une formation efficace et engageante

Développée dans les années 1950 par Benjamin Bloom et révisée en 2001, cette approche pédagogique classifie les objectifs d’une formation selon leur niveau de complexité. Encore aujourd'hui, elle demeure un outil incontournable pour les formateurs désireux de créer des parcours de formation à la fois efficaces et captivants. Plongez dans cet article pour maîtriser cet outil et découvrir comment la taxonomie de Bloom peut transformer vos méthodes de formation !

Qui était Benjamin Bloom ?

Benjamin Bloom (1913-1999) est un psychologue et chercheur américain spécialisé en éducation. Dans les années 1950, il a développé, avec son équipe, la taxonomie de Bloom, une classification des objectifs pédagogiques en trois domaines : le domaine cognitif (concernant la connaissance et le développement intellectuel), le domaine affectif (axé sur les attitudes et les sentiments) et le domaine psychomoteur (concernant les habiletés physiques et la coordination). 

La taxonomie de Bloom originale classifie les objectifs d'apprentissage dans le domaine cognitif, qui est particulièrement pertinent dans la formation des adultes, en six catégories de la plus simple à la plus complexe : connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse et évaluation. Conçue initialement pour identifier et organiser les niveaux d'activité intellectuelle liés à l'apprentissage, cette taxonomie propose également, pour chacune des six catégories, des verbes d'action pour formuler des objectifs pédagogiques précis et mesurables, facilitant ainsi l'évaluation des apprenants en fin de formation.  Cette première version de la taxonomie s’adressait en priorité au monde de l’éducation et à une population d’enseignants dans des écoles.


Une révision plus accessible et applicable pour les formateurs d’aujourd’hui

C'est en 2001 que Anderson et Krathwohl ont apporté une évolution à la classification originale. Elle se distingue principalement par la modification de la terminologie et de la structure, utilisant des verbes plutôt que des substantifs pour décrire les processus cognitifs des six niveaux : se souvenir (ou mémoriser), comprendre, appliquer, analyser, évaluer et créer. Cette approche met l'accent sur les actions et les processus d'apprentissage plutôt que sur les produits obtenus, ce qui est plus cohérent avec la quête de développement de savoir-faire et de compétences plutôt que de savoir et d’objectifs. Cela facilite également l’évaluation de chaque objectif pédagogique par la mesure objective d’un savoir-faire observé en fin de formation. De plus, le réarrangement des catégories place l'évaluation sous le niveau de création, reflétant une approche plus réaliste de la façon dont les apprenants construisent, étape par étape, leur savoir, puis leur savoir-faire jusqu’à atteindre le niveau (ultime) de la création. 

Cette révision propose également l’introduction d’une nouvelle dimension transverse aux six niveaux : les types de connaissance. Ces derniers sont divisés en quatre catégories : factuelle, conceptuelle, procédurale et métacognitive. La connaissance factuelle concerne des informations élémentaires et spécifiques, comme des définitions. La connaissance conceptuelle englobe des relations entre différents concepts, principes et théories. La connaissance procédurale se réfère à des méthodes et des processus de réalisation ; tandis que la connaissance métacognitive implique une prise de conscience et une régulation de ses propres processus d'apprentissage. Cet ajout, par rapport au modèle original, permet une analyse plus riche et plus complète des objectifs d'apprentissage, en mettant en lumière non seulement le « comment » de l'apprentissage, c’est-à-dire les processus cognitifs que les apprenants utilisent pour acquérir ces connaissances, mais aussi le « quoi » qui se réfère aux types de connaissances que les apprenants doivent acquérir : les faits, concepts, procédures et stratégies d’apprentissage. Cela offre aux formateurs une vision plus détaillée et plus nuancée des compétences à développer, facilitant ainsi la conception de parcours pédagogiques plus ciblés.

Qu'est-ce que la taxonomie de bloom ?


Utiliser la taxonomie de Bloom pour créer une formation efficace

En pratique, l’utilisation de la taxonomie de Bloom permet d’organiser l’apprentissage de façon très opérationnelle durant toute les phases d’ingénierie d’un parcours de formation.

  1. Situer le niveau des apprenants en analysant le public cible d'une formation, par exemple avec un dispositif d'auto-positionnement. Cette analyse préliminaire permettra au formateur d'adapter son escalier pédagogique pour faire progresser le groupe vers des niveaux de complexité plus élevés de la taxonomie de Bloom et en proposant un chemin pédagogique fonction de la situation et de la « cartographie » de départ du groupe.
  2. Organiser la progression pédagogique en s'appuyant sur les 6 niveaux de la taxonomie de Bloom. Pour atteindre le niveau le plus complexe ("créer"), il est nécessaire de passer par des niveaux intermédiaires pour éviter de mettre les apprenants en difficulté. Cette approche permet d'organiser et de hiérarchiser les différents objectifs pédagogiques dans le déroulement de la formation.
  3. Établir un processus d'évaluation en lien direct avec le niveau de la taxonomie de Bloom visé par la formation. Il est important d'utiliser la taxonomie de Bloom pour s'assurer que la complexité de l'évaluation correspond bien au niveau de la taxonomie de l’objectif pédagogique. Par exemple, un quiz digital, animé en synchrone par le formateur, convient probablement pour évaluer des niveaux 1 ou 2 d’objectif, mais n'est pas adapté pour évaluer les niveaux supérieurs, comme "créer", qui nécessitent des dispositifs plus complexes.
  4. Analyser l'utilisation appropriée d'un outil numérique en fonction du niveau de la taxonomie de Bloom. Par exemple, comme nous venons de le voir, un outil de quiz digital peut être utilisé au niveau 1 ou 2 lorsque le formateur l’anime. Mais, il peut aussi être utilisé à un niveau plus élevé lorsque les apprenants créent eux-mêmes un quiz pour le groupe afin de synthétiser et de formaliser une partie de la formation et de leurs nouveaux apprentissages.
  5. Rédiger des objectifs pédagogiques engageants et efficaces en choisissant un verbe d'action dans un des 6 niveaux de la taxonomie de Bloom. Nous détaillerons cela dans le paragraphe suivant.

Rédiger un objectif pédagogique en utilisant la taxonomie de Bloom 

La base de tout parcours de formation, qu'il soit synchrone, asynchrone, en présentiel ou à distance, réside d'abord dans la formalisation d'objectifs pédagogiques globaux, divisés ensuite en objectifs pédagogiques partiels clairs, précis et mesurables. L'utilisation de la taxonomie de Bloom, ou de sa révision, permet de structurer la rédaction des objectifs pédagogiques, véritable clé de voûte de tout parcours de formation efficace et engageant.

Pour rédiger un objectif pédagogique « parfait », il faut respecter les trois points suivants :

  1. Se placer du point de vue de l'apprenant en choisissant un niveau de compétence parmi les six niveaux proposés dans la taxonomie de Bloom.
  2. Utiliser un verbe d'action par objectif. Il est préférable de choisir ce verbe d'action dans un des six niveaux de la taxonomie de Bloom (de mémoriser à créer) en fonction du niveau d’apprentissage visé en fin de séquence. Les verbes comme « comprendre » ou « savoir » ne sont pas listés dans l’approche de Bloom, car ils ne permettent pas de mesurer concrètement l’atteinte de l’objectif, ils sont donc à proscrire dans la formulation des objectifs.
  3. Définir les conditions de réalisation pour décrire les processus d’évaluation mis en place (dans un lieu spécifique, en utilisant une méthode donnée ou un matériel pédagogique fourni, à l’aide d’un outil digital pour un quiz ou d'un cas d'étude, en un temps fixé, etc.) et les critères de réussite qui permettront de mesurer l’atteinte de l’objectif.

Un exemple d’objectif pédagogique 

"À la fin de la séquence, le stagiaire sera capable d’identifier les cinq signes de tension d’un client en caisse (au travers d'une vidéo d’observation, en listant les cinq signes dans l’ordre d’apparition sur un post-it dans le padlet de la formation)."

Relisez-le bien ! Cet objectif pédagogique partiel respecte les trois critères de rédaction.

  1. En se plaçant du point de vue de l'apprenant : « À la fin de la séquence, le stagiaire sera capable de... »
  2. En utilisant le verbe d’action « identifier », de niveau 2 de la taxonomie de Bloom.
  3. En précisant les conditions de réalisation (« au travers d'une vidéo d’observation... sur un post-it dans le padlet ») et les critères de réussite (« en listant les cinq signes dans l’ordre d’apparition » dans la vidéo).

Petite anecdote 😉 : nous mettons les conditions de réalisation et de réussite entre parenthèses car, contrairement au reste de la formulation de l'objectif, cette partie est uniquement dédiée au formateur et ne sera pas montrée aux apprenants. L’ajout des conditions de réalisation, dès le début de la rédaction d’un objectif, permet de réfléchir et d'imaginer le processus d'évaluation qui sera mis en place pour mesurer son atteinte par les apprenants.


Bloom à l’ère de l’intelligence artificielle !

Il est intéressant de se questionner sur l’utilisation de l’intelligence artificielle non pas comme un simple outil que l’on interroge, mais  comme une véritable modalité d’apprentissage qui va proposer un environnement facilitant les étapes et les démarches d’apprentissage.  Ainsi, l'IA offre des outils qui peuvent aider les apprenants et le formateur à atteindre des objectifs pour chaque niveau de la taxonomie de Bloom.

  • Mémoriser : l'IA peut fournir des quiz qui aident les étudiants à mémoriser des informations.
  • Comprendre : des outils Text-to-text (comme ChatGPT) peuvent expliquer des concepts complexes en termes simples.
  • Appliquer : l’assistance à la création de cas d’étude et d’environnements virtuels permettent aux étudiants de mettre en pratique leurs connaissances dans des scénarios réalistes.
  • Analyser : l’utilisation d’outils d’IA pour analyser un grand nombre de données peut aider les étudiants à interpréter des informations et à identifier des tendances.
  • Évaluer : un logiciel d'IA peut analyser des essais écrits pour identifier les points forts et les lacunes, en offrant des commentaires détaillés qui aident les étudiants à s'améliorer.
  • Créer : la conception d’un chatbot spécifique développé par les apprenants eux-mêmes pour créer des propositions originales et innovantes sur une thématique imposée par le formateur. La rédaction du pré-prompt du chatbot spécifique nécessite bien d’atteindre le niveau de “création” de la taxonomie de Bloom.

A vous de jouer !

Pour finir, pourquoi ne pas essayer vous-même de rédiger, pas à pas, un objectif pédagogique partiel « parfait » qui s’appuie sur la taxonomie de Bloom et utilise un chatbot spécifique utilisant un outil d’intelligence artificielle générative comme chatGPT (disponible uniquement sous ChatGPT4o) : https://chatgpt.com/g/g-wPH9cL8Xp-redigez-un-opp

Conclusion

La taxonomie de Bloom révisée reste un outil essentiel pour les formateurs cherchant à structurer leurs parcours pédagogiques de manière efficace. Elle propose une classification des objectifs d'apprentissage en six niveaux, allant de la mémorisation à la création, facilitant ainsi l'évaluation et l'organisation des séquences pédagogiques. En intégrant cette approche, vous pouvez adapter vos méthodes pour répondre aux besoins spécifiques de vos apprenants, tout en promouvant un apprentissage plus dynamique et engageant. Enfin, la combinaison des outils numériques et d’intelligence artificielle à la taxonomie de Bloom offre de nouvelles perspectives et de nouvelles modalités pour enrichir nos pratiques pédagogiques.

Rédigé par Olivier Bernaert
| Blog formation de CCI formation PRO 


Pour aller plus loin, bibliographie et webographie

  1. Benjamin Samuel Bloom (1956), Taxonomy of Educational Objectives, New York, NY: Longman, Green (207 pages).
  2. Anderson, L. et al. (2001). A Taxonomy for Learning, Teaching, and Assessing: A Revision of Bloom’s Taxonomy of Educational Objectives. New York, NY: Longman.
  3. Pickard, M. J. (2007). The new Bloom’s taxonomy: An overview for family and consumer sciences. Journal of Family and Consumer Sciences Education, 25(1).
  4. Wilson, L. O. (2016). Anderson and Krathwohl–Bloom’s taxonomy revised. Understanding the new version of Bloom's taxonomy.
  5. Lamy, D. (2015). Discussion : Taxonomie de Bloom révisée (Anderson et al.) – Site Internet. Wiki-TEDia. https://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/Discussion:Taxonomie_de_Bloom_r%C3%A9vis%C3%A9e_(Anderson_et_al.)
  6. D.K. Schneider (2014). Niveaux et types d’apprentissage – Site Internet. EduTechwiki
    https://edutechwiki.unige.ch/fr/Niveaux_et_types_d%E2%80%99apprentissage
  7. Les sydologues (2017). Concevoir des déroulés pédagogiques avec la taxonomie de Bloom – Site Internet. Sydologie
    https://sydologie.com/2017/09/taxonomie-de-bloom-quest-cest/
  8. Oregon State University Ecampus (2024). Advancing meaningful learning in the age of AI
     – Site Internet. Oregon State University
    https://ecampus.oregonstate.edu/faculty/artificial-intelligence-tools/meaningful-learning/

 

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